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Pourquoi je ne suis pas art-thérapeute

Souvent, on me demande si je suis « art-thérapeute » ou si les projets que je développe sont « de l’art-thérapie ». Face à la récurrence de cette question, je vous propose de nous attarder sur les différences et caractéristiques de ces deux domaines.

La confusion entre ces deux domaines et leurs métiers est fort compréhensible, d’une part par les milieux dans lesquels ils s’exercent (les milieux de santé) et d’autre part par les médiums qu’ils sollicitent (l’Art et ses différentes formes d’expression).

Pour des raisons inhérentes au format de cet article, je mettrai en avant les singularités de chaque discipline en restant en surface de l’analyse des concepts abordés.

Définitions : « art-thérapie » et « action artistique en milieux de santé »

Avant de souligner leurs différences, nous allons nous attacher à définir ces disciplines :

L’art-thérapie est « définie comme l’exploitation du potentiel artistique dans une visée humanitaire et thérapeutique, l’art-thérapie se caractérise par des concepts originaux, des méthodes et des moyens spécifiques de nature à faire de cette discipline une véritable activité paramédicale. » Voici un extrait de la définition que l’on peut retrouver en entier sur le site de l’AFRATAPEM, école d’art-thérapie à Tours.

La notion de « projet artistique » est un peu plus délicate à définir car elle regroupe plusieurs données. Il s’agit d’une démarche artistique ponctuelle, organisée dans le temps, mono ou pluridisciplinaire. Il s’agit de mettre en avant le travail de création d’un ou plusieurs artistes auprès d’un public identifié (tout public, enfants, personnes âgées, etc. ) Un projet artistique prend souvent la forme d’une exposition, d’un livre, d’un concert, etc.

Je rajouterai alors une particularité pour les actions artistiques en milieux de santé (contrairement à un projet artistique « classique ») qui relève de l’aspect fondamental de ce type d’action : la co-construction avec les personnels de la ou des structure(s) d’accueil du projet.

Ces deux définitions mettent déjà en exergue les singularités des deux pratiques. Nous allons les déchiffrer davantage.

Les trois différences principales

1- L’Art comme moyen & l’art comme finalité

En art-thérapie, l’art va devenir un médium d’expression. Le patient est amené à s’exprimer via une ou plusieurs techniques artistiques. Ici, l’art est un moyen mais n’est pas une fin.

Lors de la mise en place d’un projet artistique en institution sanitaire et/ou médico-sociale, l’art est une fin en soi. Il s’agit de donner à voir et à découvrir des œuvres d’art à l’instar de n’importe quelle structure publique ou privée qui souhaiterait « montrer de l’art ».

2 – activité paramédicale & activité culturelle

En effet, l’art-thérapie est un outil thérapeutique mis en oeuvre sur prescription médicale. Elle s’effectue dans un cadre médical et est régie par des codes, des pratiques spécifiques et une méthodologie propres. L’objectif premier étant de contribuer au processus de guérison du patient. Les art-thérapeutes ont connaissance du dossier médical du patient et peuvent suivre une partie de leur formation en école de médecine.

Un projet artistique n’a pas vocation à soigner. Il peut cependant, et c’est là un des points essentiels, contribuer à l’amélioration du bien être des patients, mais aussi de leurs familles, des équipes de soin… C’est l’aspect esthétique et artistique qui est mis en avant, et leurs dimensions culturelles via la création d’un pont avec le monde extérieur qui permet au patient de sortir de son statut de malade.

3 – Pratique individuelle & visée collective

L’une des différences majeures réside dans l’approche du public. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, l’art-thérapie, de par sa nature thérapeutique, s’adresse principalement à une personne, parfois à un petit groupe. L’art-thérapeute, qui a connaissance du dossier médical du patient, va rendre compte de son activité à l’équipe soignante.

Un projet artistique va quant à lui s’adresser à un groupe et souvent à l’ensemble des personnes qui fréquentent le lieu où il prend place. Par exemple, si le projet est une exposition de photographies dans le hall d’accueil d’un EHPAD, les œuvres vont alors être visibles par les personnels administratifs et soignants, les visiteurs, les patients, etc.

L’objectif d’une action artistique réside dans la création du lien extérieur avec la société (artistes, institutions culturelle). Les retombées des diverses actions menées dans le cadre du projet ne sont pas évaluées par les artistes. Néanmoins elle peuvent être observables et évaluées en aval par l’équipe soignante.

Différentes mais complémentaires

Les différences énumérées ci-dessus apportent déjà un éclairage majeur sur l’importance de bien comprendre les enjeux de ces deux disciplines professionnelles. Il faut néanmoins préciser que si elles sont différentes, elles sont aussi complémentaires.

Art-thérapeutes et chargés de projets artistiques peuvent travailler ensemble ! En effet, dans le cadre de la mise en place d’un projet artistique en milieu de santé, il est indispensable de travailler sur l’aspect « médiation » en amont et en aval avec les publics concernés.

En amont, le rôle du chargé de projet est surtout axé sur l’échange avec les équipes professionnelles du lieu concerné. C’est pour cela que l’on parle d’un projet « co-construit ». Cette étape est primordiale pour que l’oeuvre (ou les œuvres) soit accueillie(s) dans les meilleures conditions. A cette étape, la collaboration avec un art-thérapeute, qui connait les patients, peut amener l’artiste à réfléchir sur les axes de sa création et prendre en compte des besoins personnels identifiés.

Une fois en place, le projet nécessite un travail de médiation directe et indirecte. Par exemple, pour la médiation directe : des cartels, un temps de démonstration aux personnels, des ateliers de pratiques en lien avec l’oeuvre. C’est principalement à cette étape que l’art-thérapeute peut intervenir. Il va pouvoir s’appuyer sur l’oeuvre, l’utiliser comme support et/ou l’évoquer dans son atelier. Il peut être amené organiser des ateliers de pratique artistique autour de celle-ci. L’intervention d’un art-thérapeute est alors idéale pour accompagner la réception du projet et valider sa pertinence.

Enfin, il convient également d’aborder de l’animation. En effet, cette troisième activité, interne à l’établissement, peut également semer un trouble lorsqu’il s’agit de différencier les pratiques artistiques in-situ. L’animation relève davantage d’activités de type « occupationnel », en groupe le plus souvent, qui ont pour but de maintenir la « vie » dans l’établissement et qui amènent le patient à sortir du statut de « malade ». Il peut s’agir d’ateliers de pratiques artistiques, de jeux, de sorties, d’ateliers de cuisine, etc. La personne en charge de l’animation, si service animation il y a, est systématiquement consultée lors d’un projet d’action artistique. Il s’agit d’un travail coopératif pour permettre l’amélioration du cadre de vie des bénéficiaires.

Conclusion

Les différences entre « art-thérapie » et « action artistique en milieu de santé » relèvent donc de leur cadre de mise en place et de leurs objectifs. Il est nécessaire d’intégrer ces particularités pour permettre la mise en place de projets culturels, au niveau d’un établissement ou d’un service et de rappeler que leurs objectifs sont complémentaires et non exclusifs.

Pour comprendre les bénéfices directes de la mise en place de projets artistiques en milieu de santé je vous invite à (re)lire cet article.

Vous souhaitez développer un projet culturel au sein de votre établissement ?
Contactez-moi.

Pour aller plus loin

Pour affiner cette réflexion, je vous propose divers liens vers des articles et des sites professionnels sur lesquels je me suis appuyée pour rédiger cet article. Ils pourront ouvrir le champ d’analyse de la mise en parallèle de ces deux domaines.

1 – Le site de l’école d’art-thérapie l’AFRATAPEM : ICI
Ce site est un condensé d’informations à destination des personnes souhaitant se former à l’art-thérapie ou souhaitant travailler avec des art-thérapeutes.

2 – Un article : Art-thérapie, médiations artistiques : quelles différences pour quels enjeux ?Entretien entre Jean-Marc Lesain-Delabarre et Martine Colignon publié dans La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation 2015/4 (N° 72), pages 295 à 315, visible sur le site du CAIRN : ICI
Il développe davantage les différences entre art-thérapeute et artiste-intervenant et s’attarde plus en profondeur sur les différents enjeux de ces deux professions.

3 – La page « Culture et Santé » du Ministère de la Culture : ICI
Vous retrouverez un rapide descriptif de la politique d’accès à la culture initiée il y a 20 ans entre le Ministère de la Culture et celui des Solidarités et de la Santé. Ce dispositif est relayé en Région via la DRAC et l’ARS dont je mets la page en lien.

4 – Les site des deux formations officielles d’artiste plasticien-intervenant. Il y en a une à Strasbourg et une à Bourges.
Ces formations s’adressent aux artistes diplômés des Ecoles d’Art et souhaitant développer leur pratique en milieux de santé. Ces renseignements apportent un éclairage supplémentaire sur la spécificité d’un projet artistique et/ou culturel en milieu spécifique et la nécessité de suivre une méthodologie adaptée.

Article rédigé par Hélène Voinson pour Take It Arty !

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